Dès son arrivée dans le box des prévenus, encadré par deux agents de l’administration pénitentiaire, Mohamed défie le tribunal, par des propos sarcastiques. Ce qui a le don d’irriter les magistrats. La présidente, comme la procureure, rappellent à l’ordre Mohamed Hattabi le menaçant de le renvoyer dans les geôles s’il ne se montre pas coopératif. Le prévenu fait mine de se calmer avant d’expliquer les raisons de sa colère. Le froid tout d’abord qui règne dans les cellules du palais de justice. Sa garde à vue durant laquelle personne ne lui aurait exposé le motif. Et cette comparution immédiate, injuste selon ses dires, car il est totalement étranger à cette affaire d’agression avec arme.
Canon sur la tempe
Les faits se sont produits le 12 mars dernier devant l’hôtel social de Val de Briey. Vers 19 h 45, des témoins déclarent avoir vu Hattabi totalement ivre traîner devant le bâtiment. À l’approche d’un groupe d’individus, il aurait brandi une arme de poing, avant de s’en prendre à un couple et à un jeune homme en particulier sur la tempe duquel il aurait pointé le canon de son revolver. Le tout enregistré par des caméras de surveillance. Le visionnage des bandes fait bien état d’un homme dont l’allure et la démarche correspondent au mis en cause. Des plaintes ont été déposées par les victimes et même le gérant du foyer. Sauf que Mohamed Hattabi nie en bloc. « Ce n’est pas moi. Je ne connais pas les gens qui m’accusent. Ils n’assistent même pas à l’audience, ils n’ont même pas d’avocat. Tout ça, c’est une machination contre moi. Ils veulent se débarrasser de moi ».
Pantalon arc-en-ciel
La procureure, Sophie Partouche le freine dans son élan : « Monsieur, vous n’allez pas nous sortir la théorie du complot ? » Le prévenu s’obstine : « Les gens disent m’avoir reconnu avec les vêtements que je portais. Tout le monde a un jean, une veste noire et une casquette. La prochaine fois, j’irai acheter un pantalon jaune, ou vert, ou orange. Et pourquoi pas arc-en-ciel ».
La pression ne retombe pas et Hattabi comprend que sa façon de se défendre ne plaide pas en sa faveur. Et qu’il risque de retourner en prison de laquelle il a été libéré il y a quelques semaines : « La taule, c’est pas fait pour se réinsérer. On a même voulu me tuer. Des gardiens ont déverrouillé la porte de ma cellule. J’ai déposé plainte et constitué un dossier. Mais personne ne m’écoute. Car de toute façon, aux yeux de la justice, je ne suis qu’un délinquant, comme le démontre mon casier judiciaire ».
Semer le doute
Dans ses réquisitions, Mme Partouche estime qu’il n’y a aucun doute sur la culpabilité du quadragénaire. « Tout colle et les faits sont d’une rare violence et démontrent votre dangerosité ». Sur les antécédents judiciaires, la procureure avoue : « On n’est pas jugé sur un casier, mais c’est un boulet que l’on traîne ». Elle requiert trente mois de prison ferme avec mandat de dépôt : « Rien aujourd’hui ne peut nous permettre de proposer des mesures éducatives ». Mohamed Hattabi proteste vigoureusement. Il est évacué de la salle d’audience.
En défense Me Morel tente de semer le doute dans l’esprit des juges. Arguant que les images enregistrées par la vidéosurveillance ne sont pas d’une grande qualité. Que durant la garde à vue de son client aucune confrontation avec les victimes n’a été effectuée, ni même un tapissage. Que l’arme n’a jamais été retrouvée. « L’incarcération, ce n’est pas fait pour aider les gens, mais pour les éliminer un temps de la société ». Le prévenu a été condamné à 18 mois de prison ferme. À l’énoncé du jugement, il est entré dans une colère noire, couvrant d’insultes la procureure. La salle est restée abasourdie par cet accès de fureur.
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